Haïti: Le maire Jeudi récupère de force les places publiques de Delmas
Le maire principal de Delmas, Wilson Jeudi, a déclenché, le lundi 23 mai 2011, une opération à grande vitesse pour déloger les personnes, occupant depuis le séisme, les places publiques de la commune. Accompagné d'unités de la police nationale, le maire a délogé ce lundi des milliers de personnes qui avaient élu domicile sur les places du carrefour de l'aéroport, considérées par plus d'un comme bastion de bandits armés.
Les nuits des milliers de personne vivant sur les différentes places publiques de Delmas sont désormais comptées. Elles sont déjà terminées pour celles qui vivaient sur les places du carrefour de l'aéroport (carrefour Nazon pour certains). Suite aux avis lancés ces derniers jours par la mairie de Delmas, invitant les occupants à faire place nette, ces derniers ont été contraints, tôt ce lundi 23 mai 2011, de vider les lieux. Plusieurs tentes ont été découvertes vides et servaient, selon le maire, à des activités de prostitution et de banditisme. « C'est un désordre, nous ne voulons plus tolérer cette situation », a tempêté le maire Wilson Jeudi, déterminé à atteindre ses objectifs.
Des agents municipaux s'activent à nettoyer une partie de la place du carrefour de l'aéroport après avoir détruit les tentes(Photo: Moranvil Mercidieu)
Un tracteur pour faciliter la tâche(Photo: Moranvil Mercidieu)
Une femme allaitant son bébé sur la place avant de se trouver une autre destination(Photo: Moranvil Mercidieu)
Des agents de la mairie en tentent de détruire une tente(Photo: Moranvil Mercidieu)
La place méconaissable par la saleté(Photo: Moranvil Mercidieu) « Ici, c'est une place publique, un espace de loisirs. Tout le monde en a besoin. Elle ne doit pas rester privatisée par un groupe de gens. Tout ce qui m'intéresse pour le moment, c'est de vider la place », a indiqué le maire.
Si certaines personnes chassées n'ont pas cessé de se plaindre prétextant n'avoir nulle part où aller, des résidents de la zone ainsi que des passants ont loué ce geste des autorités municipales de la commune. « Des badauds s'amusent quotidiennement à voler les téléphones portables des passants et vont par la suite se cacher sous les tentes. Tous les soirs, les gens se font aussi dépouiller aux alentours de cette place », a témoigné un homme qui assistait à l'opération de déguerpissement exécutée par des brigadiers de la commune.
Outre ces places publiques, Wilson Jeudi, ex-candidat malheureux à la présidence des récentes élections, annonce que toutes les autres places publiques de la commune qui sont occupées depuis 12 janvier 2010 seront également vidées de leur population. Elles seront « clean », pour reprendre le mot du maire. Et, Beaucoup de personnes « chassées » ce lundi, souligne le maire, ne vivaient pas vraiment sur les lieux. « Beaucoup de ces gens passaient leur journée ici juste pour exercer leurs activités commerciales et rentraient chez eux dans la soirée. Ces places servent de refuge aux bandits armés et c'est également un espace pour le fonctionnement de bordels », a fulminé le maire.
Bordel ou pas, plusieurs dizaines de préservatifs ont été découverts un peu partout à l'intérieur des tentes ou des bicoques détruites qui ne contenaient que de vieux matelas ou des tapis. « Ils savaient quand même se protéger », rigole un policier.
Alors que le maire passe des ordres à ces brigadiers de tout détruire, un agent de la mairie enregistre les noms des personnes dont les tentes sont déjà détruites. Mais, selon le maire, aucun dédommagement n'est vraiment prévu. Si, par hasard, une ONG souhaite faire quelque chose pour certains d'entre eux, dit-il, les femmes ayant des bébés seront les bénéficiaires. La mairie, a souligné le premier citoyen de la commune, n'aura jamais assez de moyens pour s'occuper de toutes les personnes « vivant » sur les places publiques.
Il est 10h 12 a.m. Une dame, accompagné de deux enfants, s'approche du maire : « J'habitais à Delmas 17, ma maison a été détruite, j'ai tout perdu, je n'ai nulle part où aller. Je n'ai pas d'argent, magistrat », raconte-t-elle.
« Je n'ai pas d'argent non plus pour donner à tout le monde. Vous trouverez certainement un lieu où aller », lui répond le maire, lui filant quand même quelques billets de 500 gourdes pour les enfants.
Une autre femme s'approche et raconte la même histoire. Le maire ne veut pas l'écouter. « Je suis déçue d'avoir voté Wilson Jeudi. Regarde comment il nous humilie maintenant. Le maire ne peut pas nous déloger sans nous donner les moyens de nous déplacer. Nous resterons ici », lance la dame.
« Nous ne délogeons pas les gens sur la base d'une entente. Je n'ai pas à dédommager les personnes qui vivaient sur les places publiques, a précisé le maire. La plupart de ces personnes passent leur temps à mener leurs activités commerciales sans jamais donner un sou à la mairie. Tandis que nous ramassons quotidiennement les déchets qu'ils jettent dans la rue et sur les places », a fait savoir M. Jeudi.
« Tout le monde a été victime du séisme; pas question de payer les gens pour vider des espaces publics qu'ils occupaient depuis plusieurs mois », soutient le maire Wilson Jeudi. Il estime qu'il ne faut pas croiser les bras si on veut donner une autre image au pays. « Nous ne pouvons pas encourager les investisseurs étrangers avec de telles images », ajoute-t-il.
Par ailleurs, face à la recrudescence de bandits armés dans la commune, le maire estime que le nombre de marchands dans la rue complique davantage la situation. « Il y a trop de marchands dans les rues de Delmas qui viennent un peu partout de la capitale. Je ne veux pas que Delmas devienne comme la Grand'Rue de Port-au-Prince. Je le dis, et c'est moi qui dirige la commune jusqu'à preuve du contraire », a tempêté le maire déterminé à récupérer les places publiques.
Valéry DAUDIER
vdaudier@lenouvelliste.com